HYPP, Paralysie périodique hyperkaliémique
Rédaction par Dre Marine Rullier, MSc DMV
La paralysie périodique hyperkaliémique (HYPP, pour Hypertrophic Periodic Paralysis) est une maladie musculaire équine causée par une mutation génétique identifiée principalement chez le Quarter Horse, les Paints américains et les Appaloosas. Cette condition génétique apparait chez les descendants du prolifique étalon « Impressive », un Appendix American Quarter Horse né en 1969 et mort en 1995. Il était le premier champion du World Champion Open Aged Halter en 1974. Suite à ce titre, « Impressive » s’est accouplé avec plus de 2250 juments au cours de sa vie. Ce qui arriva est ce l’on appelle « l’effet de champion », où un étalon gagnant sert de géniteur pour une grande proportion de la future génération. En 2006, on lui comptait environ 355 000 descendants. « Impressive » est né avec une mutation du gène SCN4A lui donnant une musculature plus développée. Malheureusement, cette mutation est aussi à l’origine de la maladie HYPP.
Signes cliniques d’HYPP
Le gène SCN4A code pour un protéine qui fonctionne comme canal à sodium dans la membrane des cellules musculaires. Celui-ci, lorsque muté, rend la cellule musculaire facilement excitable ce qui facilite et allonge le temps de la contraction des muscles. Une contraction en continue des muscles fait sortir le potassium des cellules musculaires vers le sang (hyperkaliémie). Les individus atteints de la HYPP auront plusieurs crises de spasme et de paralysie au cours de leur vie. Ces crises seront caractérisées par des fasciculations (contraction constante des fibres musculaires) qui peuvent engendrer de la fatigue du muscle (caractérisée par de la faiblesse) et de la paralysie. La sévérité des crises varie d’un individu à l’autre et entre les différentes crises pour un même cheval. Les premières crises apparaissent vers 2 à 3 ans, elles sont intermittentes (périodiques) et peuvent durer de 15 à 60 minutes. Elles débutent par une fasciculation du visage pour se transmettre aux muscles du corps (flancs, épaules, encolure). Une crise sévère peut toucher les muscles des poumons et causer une détresse respiratoire. La mort de l’animal peut alors subvenir. Les chevaux sont conscients et alertes durant les épisodes de HYPP. Une fois la crise passée, l’animal redevient normal et n’a pas d’effets secondaires. Il y a une contribution de l’environnement dans le déclenchement des crises, par exemple un changement alimentaire brusque, une diète trop haute en potassium (comme du foin de luzerne), un jeûne ou un stress comme le transport, le poulinage ou une anesthésie. Le diagnostic définitif est fait par un test génétique qui détecte la mutation dans le gène.
La génétique de HYPP
La HYPP chez l’équin suit (plus ou moins) une génétique simple ou mendélienne. C’est une mutation dite de substitution, c’est-à-dire qu’une base de l’écriture du génome est substituée par une autre base (un C est remplacé par un G) dans le gène SCN4A. Pour plus d’information sur la nature de l’ADN, les bases et la génétique, voir Génétique du cheval 1,0 : Concepts de base. Dans notre cas, un C est substitué par un G, cela fait en sorte que ce n’est pas la bonne protéine qui est exprimée pour former un canal de sodium défectueux des cellules musculaire. Comme chaque individu a deux versions de chaque gène (puisque nous avons deux parents), un individu est caractérisé par un statut « clear », porteur ou double muté. Un individu « clear » aura deux versions du gène normal; il sera N/N. Un individu porteur aura une version du gène normal plus une version du gène muté; il sera donc M/N. Un individu ayant les deux versions du gène muté sera double muté M/M.
Une maladie autosomique dominante
La mutation pour la HYPP est dite autosomique dominante puisque dès qu’un individu (mâle ou femelle) a une version du gène muté, il est à risque d’exprimer des signes cliniques. Autrement dit, les animaux qui seront porteur (M/N) sont à risque et les animaux double muté (M/M) seront à risque élevé d’avoir la maladie HYPP. Par contre, on peut aussi dire que la mutation a une « pénétrance variable » puisque certains individus qui sont porteurs n’expriment pas de signes cliniques, tandis que d’autres individus ayant le même statut génétique sont gravement atteints. Il y a une vraie possibilité que d’autres gènes dans le génome, pas encore identifiés, peuvent influencer la sévérité des signes cliniques ; ces gènes s’appellent les « gènes de modification ». En plus, l’environnement peut influencer le déclanchement et la sévérité des signes cliniques. Pour tous ces raisons, l’HYPP est variablement décrit comme une « condition » ou une « maladie » génétique. Malgré tout ceci, la mutation connue et décrit dans le gène SCN4A est définitivement une facteur de risque pour la maladie HYPP, et la maladie peut être assez sérieux pour l’individu affecté.
Testage obligatoire pour l’enregistrement d’un Quarter Horse
Depuis 1998, le testage pour la mutation est obligatoire pour l’inscription du cheval à l’Association Américaine des Quarter Horse (AQHA). Les chevaux qui ont la double mutation (M/M) ne peuvent plus s’y enregistrer. Par contre, l’AQHA permet l’inscription, la participation et la reproduction des individus porteurs (M/N).
Stratégies d’accouplement impliquant la mutation HYPP
Maintenant, si nous regardons comment le gène est passé à la descendance selon les différents statuts des parents, ça nous donne les possibilités suivantes:
- Si un parent normal (N/N, « clear ») est accouplé avec un parent double muté (M/M), il y aura 100% de chance d’avoir des poulains porteurs (M/N) qui sont à risque d’avoir des signes cliniques de l’HYPP.
- Si un parent normal (N/N, « clear ») est accouplé avec un parent porteur (M/N), il y aura 50% de chance d’avoir un poulain normal (N/N, « clear ») et 50% de chance d’avoir un poulain porteur (M/N). L’animal N/N (clear) n’est pas à risque à développer la maladie tandis que l’animal M/N (porteur) est à risque de développer des signes cliniques de l’HYPP.
- Si les deux parents sont porteurs (M/N x M/N), il y aura 25 % de chance d’avoir un poulain double muté (M/M), 50% de chance d’avoir un poulain porteur (M/N) et 25% de chance d’avoir un poulain sain (N/N, « clear »). Le poulain N/N (clear) n’est pas à risque d’avoir les signes cliniques de l’HYPP tandis que le poulain M/N (porteur) est à risque et le poulain M/M (double muté) est à risque élevé d’avoir les signes cliniques de l’HYPP.
- Si un parent double muté (M/M) est accouplé avec un parent porteur (M/N), il y aura 50% de chance d’avoir un poulain double muté (M/M) et 50% de chance d’avoir un poulain simple muté (M/N, porteur). L’animal M/N (porteur) est à risque de développer des signes cliniques de l’HYPP et l’animal M/M (double muté) est à risque élevé de développer des signes cliniques.
Fréquences de mutation
La plupart des échantillons testés pour la HYPP par Labgenvet viennent des cliniques vétérinaires. Parmi ces tests, 20 % se sont révélés à être des animaux porteurs (M/N), et donc à risque de développer la maladie. Pour les Quarter Horse testés 9 % sont porteurs (M/N) et à risque, tandis pour les Paints Américains testés, 25 % sont porteurs (M/N) et à risque. Aucun des chevaux testés pour l’HYPP n’a eu un diagnostic de double muté (M/M). Voici les profils ADN pour les animaux N/N (« clear ») et les animaux M/N (porteur) pour la mutation responsable pour l’HYPP :
References:
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