Profil génétique du cheval – PSSM, Myopathie à stockage de polysaccharides
Rédaction par Daphney Boucher, Technicienne en santé animale
La myopathie à stockage de polysaccharides (PSSM) est une maladie génétique des muscles et du métabolisme chez les chevaux. Elle est caractérisée par une dégradation musculaire aiguë, lors d’un effort physique suite à une période de repos. La PSSM fait partie de la famille des myopathies (maladies des muscles) et est causé par une accumulation anormale de glycogène dans les muscles. La PSSM est aussi connue sous les noms « maladie du lundi » et « coup de sang », et c’est inclus dans le terme général en anglais de « tying-up ». On observe la PSSM plus particulièrement chez les races de chevaux de trait comme chez les Belges et les Percherons, mais également, chez les chevaux associés à la race Quarter Horse.
Les signes cliniques de la PSSM
Les signes cliniques reliés à la PSSM, qui s’appellent des « épisodes », apparaissent dans un animal en bonne santé pendant l’exercice, surtout après une période de repos ou l’apport d’une diète riche en céréales. Les signes cliniques incluent les contractions musculaires, muscles raides à la palpation, sueur, douleur, boiterie et/ou de la paralysie. L’urine d’une couleur foncée est un autre signe clinique possible de la PSSM, qui est causé par les résidus cellulaires des muscles endommagés qui sont transportés par le sang vers les reins pour passer dans l’urine. En terme médical, la maladie est référée comme « rhabdomyolyse d’effort physique », où rhabdo– veut dire strié, myo- signifie muscle et lysis- désigne le mot dommage. Cependant, les signes cliniques peuvent être variables entre les animaux et entre les épisodes : ils peuvent être légers, modérés ou sévères pouvant aller jusqu’au décès de l’animal. En combinaison de la génétique particulière de l’animal individuel, ces divergentes variations dans les signes cliniques sont engendrées par des facteurs environnementaux : les périodes de repos, le degré de l’exercice et la richesse de la nutrition.
Le métabolisme du glycogène dans les muscles
La PSSM est une maladie de stockage de glycogène. Le glycogène est une longue chaine de polymères de glucose qui est utilisée par les cellules pour maintenir un taux normal de glucose dans le sang et aussi, dans les cellules de muscles squelettiques, comme une source d’énergie. Le glycogène est synthétisé dans les cellules à partir du glucose, à l’aide des enzymes « Glycogen Synthase » (codé par le gène GYS1) et « Glycogen Branching Enzyme ». La libération de glucose du glycogène comme source d’énergie se fait à l’aide de l’enzyme Amylase. Une mutation dans le gène GYS1, identifiée en 2008, augmente l’activité de l’enzyme « Glycogen Synthase » pour donner une surproduction de glycogène dans les cellules musculaires. Cette surproduction de glycogène est à la base des signes cliniques vues avec la PSSM. Même si les humains ont un nombre de maladies génétiques qui implique une réduction dans la synthèse de glycogène, la PSSM chez les chevaux est unique pour sa surproduction de glycogène.
La génétique de la PSSM
Proprement dit, la PSSM est une maladie héréditaire autosomique dominante à pénétration incomplète. Le terme autosomique signifie que la maladie ne dépend pas du sexe de l’animal : les femelles peuvent autant avoir la maladie que les mâles et vice-versa. Pour ce qui est du mot dominante, celui-ci désigne que l’animal doit posséder seulement une copie du gène muté en question pour développer la maladie. Le mot incomplète stipule que les symptômes se présentent à des intensités variables entre les animaux et entre les épisodes. Le gène GYS1 (Glycogen Synthase 1) code pour l’enzyme responsable pour la synthèse de glycogène dans les muscles squelettiques. Dans le cas de la PSSM, le gène est muté et l’enzyme est hyperactif pour donner une accumulation de glycogène dans les muscles. Par contre, ce glycogène est difficile à accéder comme source d’énergie dans les cellules musculaires pendant l’exercice physique, ainsi cela peut causer une dégradation progressive des muscles et les signes cliniques d’un épisode PSSM.
L’identification d’une mutation responsable pour la PSSM a permis le développement d’un test ADN pour diagnostiquer les animaux porteurs M/N (à risque de la PSSM) et aussi de déterminer la fréquence de la mutation parmi les différentes races de chevaux. Ces tests ont décelé que la mutation en question n’est pas toujours présente chez les animaux avec des symptômes de la PSSM. Ainsi, au moins deux types de PSSM existent : on parle de la PSSM1 quand l’animal a les signes cliniques de PSSM et la mutation connue est présente dans le gène GYS1, et on parle de la PSSM2 quand l’animal porte les signes cliniques, mais dans l’absence de la mutation connue. Alors, il faut avouer que notre connaissance de la génétique de la PSSM est incomplète. Autre chose à mentionner, la mutation dans le gène RYR1 qui est responsable pour l’hyperthermie maligne et aussi la mutation responsable pour l’HYPP peuvent augmenter la sévérité de la PSSM.
Confirmation du diagnostic de la PSSM et la PSSM1
Normalement, le diagnostic de la PSSM se fait par les signes cliniques. Pour confirmer le diagnostic de la PSSM, la méthode classique est par une biopsie de tissus musculaires, qui est invasive. Ces jours-ci, le diagnostic se fait par un test d’ADN. Un test d’ADN pour détecter la mutation connue dans le gène GYS1 peut déterminer si l’animal est N/N (normal, pas à risque de PSSM1), M/N (porteur, à risque de PSSM1) ou M/M (double muté, à risque élevé de PSSM1). Ainsi, on peut détecter tôt les animaux à risque de PSSM1 pour essayer de réduire les épisodes de la maladie par modification de l’environnement (voir la section sur La Prévention). Aussi, par la reproduction sélective, nous pouvons réduire la prévalence de la maladie dans les populations de chevaux.
La fréquence de la mutation
Dans l’article scientifique original décrivant la mutation dans le gène GYS1 identifié comme responsable pour la PSSM1, des fréquences de 36% ont été décrites pour la race Belge et 3,4 % pour la race Quarter Horse. Jusqu’à aujourd’hui, chez le Laboratoire de génétique vétérinaire (Labgenvet), nous avons effectué plus qu’une centaine de tests ADN pour la PSSM1, avec 13 races de chevaux représentées. Globalement, 67% des chevaux sont testés N/N « clear », 30 % sont testés M/N porteurs et 3 % sont testés M/M double muté. Une majorité des tests demandés concernaient la race Quarter Horse tandis que 5% pour la race belge. Parmi les Quarter Horses testés, 67 % étaient N/N « clear », 29 % étaient M/N porteurs (à risque) et 4 % étaient M/M double mutés. Parmi les animaux Belges testés, 50 % étaient N/N « clear », 30 % étaient M/N porteurs (à risque) et 17 % étaient M/M double mutés. La mutation pour la PSSM1 était vue dans d’autres races incluant le Percheron, le Paint, le Palomino, le Canadien et le Gypsy. Chez Labgenvet, 91% des échantillons ont été soumis par les vétérinaires et 9% des échantillons ont été soumis par les propriétaires de chevaux alors, les fréquences des mutations observées par nous ne sont pas représentatives des races en question.
La mutation de la PSSM est une ancienne mutation
Le fait que la mutation responsable de la PSSM1 soit retrouvée dans plusieurs races de chevaux est une indication qu’il s’agit d’une mutation ancienne. La mutation a probablement apparu naturellement dans les races de chevaux de trait. Ces chevaux de trait faisaient leur activité physique quotidienne, mais ils étaient toujours maintenus sur une diète de moindre qualité et dans l’absence de céréales. Dans ces conditions, la surproduction de glycogène dans les muscles apportée par la mutation était un avantage. Au-dessus de plusieurs siècles et avec le développement des races de chevaux modernes, la mutation du GYS1 a passé dans différentes races incluant le Quarter Horse et des races apparentées. Aussi, l’environnement a changé pour nos chevaux modernes, avec moins d’exercice dans la vie quotidienne et la présence de plus de céréale dans la diète. La mutation dans le gène GYS1, anciennement avantageuse, est maintenant désavantageuse et responsable de la maladie PSSM1.
Traitements et prévention de la PSSM
Malheureusement, il n’y a aucun traitement possible pour guérir de la PSSM. Cependant, il y a des actions à faire pour prévenir les épisodes. Du côté de l’exercice physique, il est suggéré d’éviter l’exercice trop intense après une période de repos. Au niveau de la diète, il est préférable d’augmenter l’apport en lipides et diminuer l’apport en glucides (céréales). Pour une consultation plus détaillée, il faut prendre rendez-vous avec votre vétérinaire.
Les stratégies d’accouplements pour éviter la PSSM1 dans les progénitures
Le test ADN qui est disponible pour la PSSM1 a une utilité pour les décisions d’accouplement. Sachant que la mutation causant la PSSM1 est dominante, la stratégie idéale serait d’accoupler des chevaux qui sont testés N/N (clear) pour donner des descendants qui ne sont pas à risque de développer la PSSM1. Si un animal N/N (clear) est accouplé avec un animal M/N (porteur, à risque), il y aura 50% de chance (1 sur 2) d’avoir une progéniture M/N, à risque de développer la PSSM1. L’accouplement de deux animaux M/N ou l’utilisation d’un animal M/M pour la reproduction n’est pas recommandée.
Références:
- Lien OMIA [1158-9796]
- Aldrich K, Belez-Irizarry D, Fenger C et al. (2021) Pathways of calcium regulation, electron transport, and mitochondrial protein translation are molecular signatures of susceptibility to recurrent exertional rhabdomyosysis in Thoroughbred racehorses. PLoS One 16: e0244556 [pubmed/33566847]
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