Profil génétique du chien – L’hyperuricosurie et l’hyperuricémie (HUU)
Rédaction par Aurélie Allard, Technicienne en santé animale
L’HUU est une maladie métabolique génétique qui peut se trouver chez les mammifères, y compris les humains et les chiens. L’hyperuricosurie indique des taux élevés d’acide urique dans l’urine, tandis que l’hyperuricémie indique des taux élevés d’acide urique dans le sang. L’acide urique est un sous-produit métabolique du métabolisme de l’ADN. Notamment, l’acide urique n’est pas très soluble dans les fluides corporels et a tendance à sortir de la solution (à précipiter), formant des cristaux dans le sang et des calculs dans le système urinaire. Ce sont ces cristaux et pierres formés par l’acide urique précipité qui sont à l’origine de l’HUU.
Pour éviter ces problèmes, chez la plupart des mammifères, l’acide urique est rapidement converti en un autre produit métabolique, l’allantoïne. L’allantoïne est beaucoup plus soluble dans les fluides corporels que l’acide urique, ce qui facilite son élimination dans l’urine. Malheureusement, chez l’homme et les grands singes (et le chien dalmatien), la conversion de l’acide urique en allantoïne pose des problèmes. Les niveaux d’acide urique peuvent s’accumuler dans les fluides corporels, entraînant l’hyperuricosurie et l’hyperuricémie observées dans l’HUU.
Les chiens de nombreuses races peuvent souffrir d’HUU. Cependant, plusieurs races, dont les Dalmatiens, les Bouledogues anglais et les Terriers noirs russes, sont particulièrement touchées par cette maladie.
Les signes cliniques de l’hyperuricosurie et l’hyperuricémie
Chez l’homme, l’HUU peut provoquer la goutte, une maladie chronique qui affecte les articulations, ainsi que des calculs rénaux et calculs vésicaux entraînant des blocages urinaires. Chez le chien, l’HUU entraîne des calculs vésicaux et des signes cliniques, notamment des difficultés à uriner, un petit volume d’uriner fréquent (miction), du sang dans les urines, des douleurs abdominales, un manque d’appétit, une léthargie et des vomissements. En raison de leur anatomie, l’HUU est plus fréquente et plus sévère chez les chiens mâles d’âge moyen. Lorsqu’un blocage urinaire survient, il existe un risque de rupture de la vessie et même de décès. Il s’agit d’une urgence médicale et une intervention vétérinaire est nécessaire.
Le diagnostic de l’HUU
Chez le chien, le diagnostic d’HUU est fait par les signes cliniques, avec confirmation par des radiographies et des tests de laboratoire. Pour un chien ayant un problème urinaire, le vétérinaire prélèvera un échantillon d’urine pour vérifier la présence de cristaux d’acide urique ainsi que de cellules sanguines. L’acide urique est à peine soluble dans l’urine à température corporelle. Lorsque l’échantillon d’urine est refroidi à la température ambiante, l’acide urique forme de petits cristaux visibles à l’œil nu, ce qui aide au diagnostic de l’HUU.
Le vétérinaire peut également prendre des images radiographiques et échographiques de la vessie pour voir s’il y a des calculs vésicaux ou rénaux. Il existe plusieurs causes possibles de calculs vésicaux ; pour les calculs causés par l’acide urique, l’échographie est la technique la plus utile.
Le traitement et prévention de l’HUU
Heureusement, les symptômes de l’HUU peuvent être soignés et l’apparition de symptômes peut être évitée. Cependant, les chiens sensibles à l’HUU devront être surveillés régulièrement par un vétérinaire. Un régime spécial, faibles en purines et en protéines est recommandé. La déshydratation est à éviter et la nourriture humide doit être envisagée. L’ablation chirurgicale des calculs rénaux est une option et parfois une nécessité. Dans tous les cas, afin d’éviter la récurrence des symptômes, le chien doit suivre un régime spécial et bien s’hydrater.
Le profil génétique de l’hyperuricosurie
Chez le chien, l’hyperuricosurie est une maladie génétique autosomique récessif à pénétration variable. La maladie peut affecter autant un mâle qu’une femelle, mais elle est vue plus fréquemment chez le mâle à cause de son long tractus urinaire. La cause de l’HUU chez le chien est une mutation du gène SLC2A9 ; ce gène code pour une protéine qui transporte l’acide urique du sang vers le foie et les reins. La mutation comme tel est une simple erreur de frappe dans l’ADN ; la substitution d’un G par un T dans le texte du gène SLC2A9.
Rappelez-vous que notre système génétique est en double ; chaque chien possède deux copies du gène SLC2A9, l’un provenant du père et l’autre de la mère. Si une des copies du gène est mutée, l’animal est porteur (M/N) pour la mutation, mais comme HUU est récessif, l’animal n’est pas à risque de développer la maladie. Cependant, un animal porteur peut transmettre la version mutée du gène à ses descendants. Par contre, un animal avec les deux copies du gène SLC2A9 muté (M/M) risque de développer HUU ainsi que de transmettre la version mutée du gène à ses chiots. Enfin, la maladie est dite à « pénétration variable ». Un animal doublement mutant (M/M) peut avoir quelques cristaux dans l’urine mais pas la maladie ou il peut avoir un blocage urinaire avec des conséquences graves.
La fréquence de la mutation
Au Laboratoire de génétique vétérinaire (Labgenvet), nous avons testé plus de 200 chiens pour la mutation du gène qui cause l’HUU. Parmi ces chiens, 51 % étaient « clear » (N/N) avec 2 copies du gène normal. 30% des animaux testés étaient porteurs (M/N) avec une copie du gène normal et une copie mutée. Enfin, 19% des chiens testés (1 sur 5) étaient doublement mutés (M/M) et donc à risque de développer une hyperuricosurie au cours de leur vie. Les profils ADN des échantillons N/N (clear), M/N (porteur) et M/M (double mutant, à risque) reçus et les pourcentages globaux de ces cas sont présentés dans l’illustration ci-dessous :
Séquences de l’ADN au site de mutation pour l’HUU
La mutation de l’HUU est une ancienne mutation
La mutation responsable de HUU se trouve dans plusieurs races de chiens. Ce fait suggère que la mutation est une ancienne mutation qui était présente avant la formation des races de chiens modernes, qui s’est produite il y a 100 à 150 ans. Cela a été confirmé par les résultats d’une étude ADN rapportée en 2017. Le squelette d’un chien de type terrier a été retrouvé à bord de l’épave du grand voilier Mary Rose qui a coulé en 1545. L’analyse de l’ADN sur le squelette a montré que le chien était un porteur (M/N) pour la mutation qui cause l’HUU.
L’hyperuricosurie chez les chiens croisés
L’hyperuricosurie est présente chez les chiens de race, mais elle peut également se trouver chez les chiens dites « croisé ». Dans une étude qui a été menée sur presque 35 000 chiens « croisés », 4,5% était porteur (M/N) et 0,2% était double muté (M/M) pour la mutation responsable de l’hyperuricosurie.
Le cas particulaire du Dalmatien
Les Dalmatiens en tant que race de chien sont plus à risque de calculs d’acide urique et de développer HUU que les autres races de chiens. Cela est dû au fait que la mutation du gène SLC2A9 responsable de l’HUU a été fixée par inadvertance dans le génome des Dalmatiens lors de la formation de la race, peut-être en même temps qu’une sélection pour les taches noires distinctives de leur pelage. En 1973, le Dr Robert Schaible a croisé un pointeur anglais (N/N, « clear » pour la mutation pour HUU) avec un Dalmatien (M/M, double mutant) afin de créer éventuellement des Dalmatiens exempts de la mutation génétique. Maintenant, après 50 ans, les éleveurs de Dalmatiens accouplent les descendants de ce croisement pour sélectionner initialement des Dalmatiens porteurs (M/N) mais pas à risque pour HUU, et finalement sélectionner des Dalmatiens qui sont N/N clairs pour la mutation responsable de HUU.
Stratégie d’accouplement
Afin de prévenir l’HUU dans une race ou un pedigree avec une prédisposition connue, des tests ADN doivent être effectués pour déterminer le statut génétique des animaux reproducteurs. La meilleure stratégie de sélection consiste à accoupler deux animaux qui sont « clear » (N/N) pour la mutation en question. Étant donné que l’HUU est une maladie génétique récessive, un animal doit avoir une double mutation pour être à risque de contracter la maladie. Alternativement, un chien porteur (M/N), qui n’est pas à risque de contracter la maladie, mais qui peut transmettre la mutation à la génération suivante, peut être accouplé avec un animal « clear » (N/N). Dans ce cas, la moitié de la portée (en moyenne) sera porteuse de la mutation HUU, mais aucun chiot ne sera à risque de contracter la maladie.
L’accouplement à éviter est entre deux animaux porteurs (M/N par M/N), car un chiot sur quatre (en moyenne) sera à risque d’être doublement muté (M/M) et à risque de HUU. Les animaux doublement mutés (M/M) ne sont pas de bons candidats pour la reproduction. Si un chien doublement muté (M/M) est identifié par un test ADN à un jeune âge, le vétérinaire peut immédiatement prescrire un régime alimentaire adapté à sa condition.
Références:
- Lien OMIA : [1033-9615]
- Zierath S, Hughes AM, Fretwell N et al. (2017) Frequency of five disease-causing genetic mutations in a large mixed-breed dog population (2011-2012). PLoS One 12(11):e0188543. [pubmed/29166669]
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