Génétique du chat 2,0 : Les couleurs
La coloration chez les chats est une caractéristique physique visible, non associée à des conditions pathologiques ou à des maladies (sauf quelques exceptions) et qui a été sélectionnée depuis le début du développement des races de chats. De plus, celle-ci est un bon exemple pour comprendre la génétique de base et l’hérédité. Nous allons voir la fonction des gènes, le passage des gènes d’une génération à l’autre et surtout, l’interaction des gènes les uns avec les autres pour donner des combinaisons de couleurs entre les races de chats et à l’intérieur de celles-ci. Les bases de la génétique des couleurs chez le chat sont relativement simples. Il faut toutefois demeurer prudent, puisque la simplicité, plus la simplicité, plus la simplicité … donne assez rapidement quelque chose de complexe !
Les quatre fonctions de base des gènes de couleur
Il y a un grand nombre de gènes qui participent à la coloration et aux patrons de couleurs retrouvés chez le chat. Ces gènes peuvent être regroupés en quatre niveaux de fonction :
- Les gènes codant pour les couleurs de base sont : Colorpoints (Locus C), Agouti (Locus A), Orange (Locus O) et le Locus E. Ce sont eux qui forment les pigments qui donnent la couleur de base du chat.
- Les gènes codant pour la modification de la couleur de base sont : Brun (Locus B), la Dilution (Locus D), le gène « Dilute-Modifier » (Locus D-M) et le gène pour « Silver » (Locus d’Inhibition, I). Ceux-ci modifient les couleurs définies par les gènes de couleurs de base.
- Les gènes codant pour des taches blanches sont : le Blanc dominant (Locus W) et les Taches blanches (Locus S). Ceux-ci ne forment pas de couleur, mais sont responsables d’un manque de couleur (blanc).
- Les gènes codant pour des patrons/motifs de couleurs sont : Tabby, Spotted et Ticked.
Il faut garder en tête que les gènes viennent en deux copies, c’est-à-dire que notre système génétique est en double (voir Génétique du chat 1,0 : Concepts de base). De plus, l’effet d’une copie d’un gène peut être dominant par rapport à l’autre copie, qui l’effet est alors récessif. Pour un gène donné, un individu peut avoir deux copies identiques (soit deux copies dominantes ou deux copies récessives) ou une copie dominante et une copie récessive. Par ailleurs, les fonctions d’un gène peuvent masquer ou peuvent être permissives aux fonctions d’autres gènes.
1. Les gènes codant pour les couleurs de base
La coloration est produite par des pigments chimiques spéciales appelées mélanines. Les mélanines sont produits dans des cellules particulières, les mélanocytes, qui sont retrouvées dans le poil, la peau et les yeux. Chez le chat, la coloration et le patron de pigmentation du pelage sont les plus importants. Les deux pigments de base qui contribuent à la coloration sont les pigments noir (eumélanine) et jaune (phéomélanine). C’est l’interaction entre l’expression des gènes de ces deux pigments qui détermine la coloration de base du chat. Il est important de réaliser qu’un seul poil peut être tout noir, tout jaune ou peut être une combinaison de bandes noires et jaunes.
Colorpoint et Locus C
Le Locus C comprend un gène clé pour la formation de la pigmentation. Quand le gène est actif, les pigments noirs et jaunes peuvent être formés. Quand le gène est muté et inactif, aucun pigment n’est présent. Une mutation récessive sur le Locus C donne un chat blanc (albinos), mais ce n’est pas souhaitable pour les éleveurs. Par contre, les chats ont une série de mutations additionnelles sur le Locus C qui donne des colorpoints. Les chats qui ont des colorpoints sont des chats qui possèdent des oreilles, des pattes et une queue qui sont plus foncées que le reste du corps. C’est la composante clé de la coloration chez quelques races comme les Siamois et les Burmese, et elle peut donner des variations comme chez les Tonkinois. Tout récemment une nouvelle variation de colorpoint a été identifié dans la race Burmese (Birman), le Mocha ou Bankok. Il y a un ordre de dominance de ces mutations :
D’autres animaux tels que les lapins peuvent aussi avoir des mutations colorpoints sur les gènes du Locus C. Il n’y en a toutefois pas chez les chiens.
Agouti (Locus A)
Le gène Agouti, situé sur le locus A, est le gène clé pour la production du pigment jaune. Chez le chat, le gène Agouti est soit actif, permettant au pigment jaune d’être formé ou inactif, ce qui empêche la formation de la pigmentation jaune, mais cela permet au pigment noir d’être produit. Un gène Agouti normal (dominant) permet aux poils d’avoir des bandes noires et jaunes si les gènes Tabby sont exprimés (voir ci-dessous). Une mutation récessive touchant le gène Agouti (a/a) est responsable des chats noirs (dit « seal » chez quelques races comme le Siamois), mais aussi des couleurs solides. La mutation (a/a) annule les effets des gènes Tabby ; sans pigment jaune, les bandes noires sont maintenant sur un fond noir pour donner un chat noir. En toute honnêteté, le gène Agouti est plus intéressant chez les chiens, car il donne le jaune dominant, le noir et feu récessif et le noir récessif (voir Génétique du chien 2.0 Les couleurs). Même si nous avons le gène Agouti dans notre génome, il n’est pas impliqué dans notre couleur de cheveux, ce qui est dommage.
Le gène Orange/Roux (Locus O) est intéressant pour deux raisons : Premièrement, c’est un gène propre aux chats. Deuxièmement, il se trouve sur le chromosome X, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un gène lié au sexe. Il y a seulement deux versions du gène : Orange (O) qui est dominant et pas orange (o) qui est récessif. Orange (O) bloque la formation du pigment noir et permet seulement au pigment jaune d’être produit. Les chattes, possédant deux chromosomes X, peuvent avoir un pelage orange (O/O), noir (o/o) ou un mélange élégant de poils noirs et oranges (O/o) pour donner des chats avec un pelage appelé « écailles de tortue ». Le patron écailles de tortue est dû à un processus appelé «inactivation aléatoire du chromosome X» qui se produit chez les femelles mammifères au cours du développement embryonnaire, dans lequel un seul chromosome X est fonctionnellement actif tandis que l’autre est condensé et inactif. Les chats mâles, avec un seul chromosome X, ne peuvent normalement pas être en écaille de tortue; les rares mâles qui le sont ont généralement un chromosome X supplémentaire (XXY). Les chats mâles ont seulement un chromosome X et peuvent ainsi seulement être orange ou pas orange. L’allèle O dominant d’Orange bloquera les effets de l’allèle A du Locus A (Agouti) et bloquera ainsi les motifs Tabby. Ce blocage de Tabby n’est pas absolu – il est plus prononcé pour le corps de l’animal tandis que les rayures Tabby sont toujours évidentes sur les pattes, la queue et le visage du chat orange. Malheureusement, le gène Orange n’a pas encore été cloné et nous ne savons pas de quel type de gène il s’agit. À part le fait d’être lié au sexe, le gène Orange chez le chat fonctionne un peu comme le gène Agouti jaune dominant qu’on retrouve chez les chiens (voir : Génétique du chien 2,0 : Les couleurs). Contrairement aux chats, les chiens n’ont pas de gène lié au sexe responsable des patrons de coloration.
Le Locus E, aussi connu comme le locus Extension, est un gène important pour la production du pigment noir. Malgré ce fait, le Locus E n’est pas très important pour la plupart des races de chats, sauf pour le chat des Forêts Norvégiennes où il est responsable de la coloration ambrée et la coloration Russet (er/er) observée chez les chats Burmese (birmans). Le Locus E est beaucoup plus important chez le chien et le cheval, car il est responsable de la magnifique coloration dorée du Golden Retriever et de la coloration rouge du Setter irlandais et du cheval alezan (voir : Génétique du chien 2,0 : Les couleurs ; Génétique du cheval 2,0 : Les couleurs).
2. Les gènes pour la modification de la couleur de base
Les gènes de modification de la couleur ne produisent pas les pigments de couleur, mais influencent la teinte de la couleur, généralement en réduisant son intensité. Ces gènes comprennent le gène codant pour le brun, également appelé chocolat (Locus B), le gène pour la dilution (Locus D), ainsi qu’un gène modificateur de la dilution « Dilute-Modifier » (Locus D-M) et un autre gène codant pour la couleur argentée ou « Silver » (Locus d’Inhibition, I).
Brun (Locus B)
Le gène du brun (Locus B) chez le chat affecte l’intensité du pigment noir. Il s’agit d’un trait récessif qui transforme le pigment noir normal (B) en une couleur brune (b/b) ou bien en une couleur cannelle (b’/b’). La coloration normale est dominante par rapport au brun, qui est dominante par rapport à la couleur cannelle.
Le gène de dilution modifie aussi les couleurs normales en diluant les pigments noirs et jaunes. Ce gène est récessif et il modifie la pigmentation noire pour donner une couleur grise (d/d) souvent appelée bleu. La dilution peut être combinée à la couleur brune (b/b) pour créer des pelages lilas (aussi appelés lavandes) ou à la couleur cannelle (b’/b’) pour donner une couleur sable chez le chat. Le gène de dilution peut aussi influencer la pigmentation orange (Locus O) en la diluant pour donner une coloration crème.
Modificateur de dilution « Dilute-Modifier »
Il existe un gène appelé Dilute-Modifier chez le chat qui, dans sa forme dominante (Dm), peut modifier les couleurs de pelage diluées (d/d). Les chats de couleur bleue (d/d) sont modifiés en coloration bleu-caramel. Les chats de couleur lilas (b/b, d/d) sont modifiés pour donner une coloration caramel sur lilas, tandis que les chats de couleur cannelle (b’/b’, d/d) sont modifiés pour donner une coloration caramel sur sable. Les chats de couleur crème (chats de couleur orange du Locus O, d/d) sont modifiés pour donner une coloration Abricot. Le gène « Dilute-Modifier » n’a pas encore été cloné et la mutation n’est pas encore caractérisée.
Argenté « Silver »
L’argent est un gène qui supprime quelque peu la production de mélanine avec la production de pigment jaune (phéomélanine) étant plus supprimée que la production de pigment noir (eumélanine). Pour les chats tabby, la coloration à la base du poil (coloration du fond) devient pâle ou « silver », donnant un Silver Tabby. Pour les chats solides, la base du poil devient pâle, donnant une coloration dit Silver Smoke. Malheureusement, le gène Silver n’est pas encore cloné et le Locus I peut être représenté par plus qu’un gène.
3. Les gènes pour les taches blanches
Les taches blanches sont une caractéristique importante de la génétique chez la coloration des chats. En fait, le blanc n’est pas une couleur en soit mais plutôt une absence de couleur. Il provient d’un manque de cellules appelées mélanocytes, lors du développement. Les mélanocytes sont responsables de la production des pigments.
Blanc dominant (Locus W)
Le blanc dominant (Locus W) peut donner un chat entièrement blanc. Ce gène est dominant puisqu’une seule copie mutée du gène (W) est nécessaire pour donner cette coloration. La version récessive et normale du gène est appelée « w ». Le blanc dominant masque les effets des colorpoints (Locus C), de Agouti (Locus A), du Brun et de la couleur Cannelle (Locus B) et Orange (Locus O). Le blanc dominant peut être confondu avec le blanc récessif (albinos, c/c, provenant du Locus C). Malheureusement, le blanc dominant peut être associé à la surdité.
Taches blanches (Locus S)
Les chats peuvent avoir une grande variété de marques blanches qui peuvent être absentes, modérées ou prédominantes. Le Locus S est impliqué dans la production de taches blanches, mais le gène n’a pas été cloné et nous ne savons pas s’il représente un ou plusieurs gènes. Il s’agit probablement de plusieurs gènes et d’une génétique complexe. À mentionner, le patron de gants blancs chez le Birman suit une génétique récessive et est causé par une mutation dans le gène Kit.
4. Les gènes pour les patrons/motifs de couleurs
Les chats sont reconnus pour leurs patrons de couleurs frappants, incluant les rayures, les taches et les tourbillons de couleurs. En ce qui concerne les motifs de couleur, les chiens sont limité contrairement chez les chats. Ces patrons sont produits par différents niveaux d’expression des pigments de base (noir et jaune) entre les groupes de poils et même dans un seul poil. Ceux-ci sont appelés « tabby », mais ça simplifie trop la génétique, puisqu’il existe plusieurs gènes impliqués. Le pelage tabby requiert un gène Agouti fonctionnel (A/-), qui est masqué chez un chat noir (a/a). De plus, les patrons tabby peuvent recouvrir la couleur de base, ainsi que les gènes de modification de la couleur. On retrouve trois gènes associés à ces patrons : mackerel (tigré) et classic (marbré) tabby, ticked tabby (tiquetée) et spotted tabby (mouchetée).
Mackerel Tabby (ou tigré) et Classic Tabby (ou marbré)
Le mackerel tabby et le classic tabby sont causés par le même gène (Ta). Le mackerel tabby est dominant par rapport au classic tabby, qui est recessif. Également, dans le mackerel tabby, il y a une alternance de bandes de pigments noirs et jaunes comme le pelage d’un tigre, par exemple. Dans le cas du classic tabby, il y a des tourbillons et des taches de pigments noirs et jaunes.
Ticked Tabby (ou tiquetée)
Dans le motif Ticked Tabby, une alternance de pigments jaunes et noirs se produit dans la tige du poil lui-même, ce qui donne au chat un éclat élégant « sel et poivre » à son pelage, comme on le voit chez les chats abyssins. Ticked (Ta) est dominant sur non-ticked (ta). Le locus Ticked Tabby masquera les rayures et les tourbillons observés avec les motifs tabby Mackerel et Classic.
Spotted Tabby (ou mouchetée)
Le locus du spotted tabby est responsable des taches de pigments noirs sur un fond de pigments jaunes, ce qui peut nous faire penser au pelage d’un léopard, par exemple. Ces taches sont retrouvées chez des races de chats traditionnelles comme l’Ocicat et chez des races hybrides comme le Bengal. Cependant, la génétique du spotted tabby n’est pas encore bien comprise.
Autres traits à mentionner
Poil court/long
La génétique du poil long et court est relativement simple. La copie dominante (L) donne du poil court, alors que le poil long correspond à la copie récessive (l/l).
Poil frisé
Le poil frisé est un caractère intéressant codé par le gène K. Des mutations dominantes (Ks) donnent le pelage du Selkirk Rex, alors que des mutations récessives (kre et khr) donnent le pelage du Devon Rex et du Sphinx respectivement.
Les couleurs des chats et l’hérédité
Nous venons tout juste d’aborder la génétique de la coloration des chats. Nous devrions aussi mentionner son hérédité, c’est-à-dire le passage des gènes responsables de la couleur du pelage d’une génération à l’autre. Considérez le génome du chat comme un jeu de cartes (voir Génétique du chat 1,0 Concepts de base) dans lequel chaque gène (ou carte) est représenté deux fois. Avec ce jeu de cartes, on construit un château de cartes (un chat) avec sa propre combinaison de cartes. Entre chaque génération, le château est détruit et le jeu de cartes est mélangé puis séparé en deux. Par la suite, un nouveau château (un chat) est construit avec une nouvelle combinaison de cartes, la moitié provenant de la mère et l’autre moitié du père. Quand on pense à tous les gènes impliqués dans la couleur du pelage avec toutes leurs variations, en plus des gènes qui n’ont pas encore été découverts, cela peut donner un très grand nombre de nouvelles combinaisons possibles entre les générations. C’est ce qu’on appel la génétique, qui est le défi de l’élevage.
Charte de couleur pour la génétique de la coloration féline
Pour une représentation visuelle de la génétique des couleurs couverte dans cet article, voir le tableau des couleurs : Génétiique du chat 2,1 : Charte de couleur.